dimanche 27 mars 2011

- Douala Manga Bell -



Rudolf Douala Manga Bell naît en 1872 à Cameroontown (actuellement Douala). Il est le fils aîné du roi Manga Ndoumbe. Après avoir faits ses études primaires et une partie du secondaire, Rudolf part terminer sa scolarité au lycée d'Aalen à Bonn (Allemagne) et y fera des études de droit à l'université. De retour au Cameroun en 1896, il épouse Engombe Dayas une métisse Anglaise-Camerounaise, devient fonctionnaire puis succède à la mort de son père, le 2 septembre 1908 comme chef supérieur de la dynastie des Bells (fondé en 1792) qui regroupe les Bonamandone, Bonapriso, Bonadoumbé, tous propriétaires et habitants du plateau Joss à Douala.

À cette époque, Douala est composée de différente tribus: les Bakole,les Bakweri, les Bamboko, les Isubu (ou Isuwu), les Limba (ou Malimba), les Mungo, et les Wovea. Parmi tout les chefs de ces tribus, certains d'entre eux dont le fameux roi Akwa signa un traité de protectorat "Germano-Douala" qui plaçait le Cameroun sous la protection de l'Allemagne. Cameroontown devint Kamerunstadt.

En 1910, le gouverneur Allemand au Cameroun Théodore Seitz, soutient un projet d'urbanisation de la ville de Douala dit « Gross Duala » qui doit faire de la ville, l'un des plus grands ports d'Afrique afin de générer de nombreux profits pour l'Allemagne. Le gouverneur prévoit pour cela d'expulser les habitants de Douala de leur lieu d'habitation traditionnel pour qu'elle devienne la ville européenne tant souhaitée. De nouveaux lotissements (New Bell, New Akwa, New Deido) seront aménagés à l'arrière du pays pour les "Tribu-autochtones" selon le nouveau plan d'urbanisation.

Ces nouveaux lotissements seront séparés de la ville Européenne interdite à la population Camerounaise par une barrière de un kilomètre de large. À la connaissance de ses plans, Rudolf Douala fit immédiatement savoir son refus aux Allemands, stipulant que le traité de protectorat signé à l'époque ne prévoyait pas l'expulsion des Camerounais de leur lieu d'habitation et que cette séparation des territoires était une forme d'Apartheid. Les relations conflictuelles de Rudolf avec l'administration Allemande lui valut une destitution provisoire le 4 août 1913, à l'aube de la première guerre mondiale. Pour se débarasser de l'intriguant, l'administration allemande l'accusa de haute trahison envers le gouvernement allemand et l'arrêta le 8 août 1914, vers cinq heures du soir. Il fut pendu avec un de ses parents, Ngosso Din. L'entrée en guerre de l'Allemagne fut décisive pour ses colonnies. En effet, à la fin de la guerre, l'Allemagne vaincu dût céder ses territoires colonniaux aux Empire Français, Belge et Britannique.

- Charles Atangana - par Philippe Laburthe-Tolra (anthropologue africaniste)

Né dans la montagne d'Elumden vers 1882, décédé à Mvolye (faubourg de Yaoundé) le 1er septembre 1943, chef supérieur des Beti du Cameroun, orphelin de père, le petit Karl-Friedrich-Otto Atangana avait déjà fait une fugue à la côte comme porteur quand il fut remis en otage par son oncle Esomba Ngon Nti au lieutenant Dominik, chef de poste de Yaoundé, en décembre 1896. Celui-ci le confia d'abord à Martin-Paul Samba pour être formé aux emplois de domestique, puis l'envoya à l'école de Kribi où il fut instruit et (décembre 1898) baptisé par les missionnaires catholiques.
Fuyant devant les Bulu qui incendient la mission en décembre 1899, Atangana est alors embauché comme infirmier à Victoria, puis comme interprète du gouvernement à Buea.
Il épouse Marie Biloa en 1901. En 1902, il réussit à se faire nommer interprète à Yaoundé même, où, malgré les jalousies, il s'impose peu à peu comme le négociateur attitré de Dominik lors des campagnes de pacification et comme le champion de la modernisation auprès de ses frères Beti.
En 1907, les chefs traditionnels qui avaient comploté contre lui sont condamnés et plusieurs d'entre eux sont exécutés. Atangana s'enrichit par ses boutiques, ses ateliers, ses plantations modèles, introduit à Yaoundé l'élevage et la spéculation foncière, construit une grande maison où est installé le premier téléphone privé de la ville. Il assoit son prestige par la création d'une fanfare et milite avec zèle pour la christianisation du pays.
En 1911, dans la hiérarchie pyramidale que les allemands tentent d'instaurer, il est nommé président du tribunal de première instance et chef ou maire de Yaoundé, fonctions où il réussit parfaitement.

En avril 1912, il part comme répétiteur d'ewondo à l'Ecole Coloniale de Hambourg et séjourne un an en Europe. Il constitue un recueil de traditions Beti, les Jaunde Texte. A son retour, il est intronisé par les allemands comme «chef supérieur» des Ewondo et des Bënë (sous-groupes principaux des Beti). Quand les allemands se replient devant les Alliés en janvier 1916, Atangana les accompagne avec 60 000 Camerounais; il est nommé chef supérieur de tous les Camerounais non musulmans et crée sur l'île de Fernando Po, près de San Carlos, pour les réfugiés, un ensemble de villages, de plantations et de pêcheries exemplaires.

En 1920, il se rendit à Madrid, d'où il négocia son retour au Cameroun avec le gouvernement français. Après un temps d'épreuve à Dschang, il rentra à Yaoundé en novembre 1921, où l'administration dut se résoudre à lui rendre ses fonctions, car le pays sans lui était devenu anarchique.

Atangana prit le titre impérial de Meyong Meyeme «celui que tous les peuples reconnaissent»; il regroupa les chefs autour de lui au village de Nsimeyong, en confiant à chacun une responsabilité propre (une sorte de département ministériel); et, pendant vingt ans, il se dépensa sans compter pour construire des routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux, le chemin de fer, et pour travailler à l'implantation du cacao, à l'éradication de la maladie du sommeil, dans le sillage des administrateurs coloniaux, ainsi que pour édifier les églises et les séminaires que réclamaient les catholiques.

Veuf en 1936, il se remaria avec Juliana Ngo Noa. Avant de mourir, il légua sa chefferie non à ses enfants, mais, selon la tradition Beti, à son parent le plus capable, Martin Abega. Cependant, l'institution de la chefferie supérieure ne lui survécut que formellement. C'est en personnage miraculeux, en médiateur charismatique, qu'il avait incarné la volonté de développement et d'évolution des Beti, cette ouverture à la culture moderne sans reniement interne («Nous ne voulons pas devenir des Européens noirs…» a dit Atangana) qui caractérise encore si bien Le Cameroun.



Philippe Laburthe-Tolra

samedi 26 mars 2011

- La colonisation Allemande -


-> 1845 - 1884 :


En 1845, des missionnaires baptistes britanniques s'installèrent au Cameroun, qui entra de fait dans la zone d'influence du Royaume-Uni.
L'objectif des Britanniques était de développer leur commerce et de mettre un terme à l’esclavage dans la région ce qui n'était pas du goût des chefs Douala de l'époque qui allèrent jusqu'à écrire à la Reine Victoria pour lui signifier leur mécontentement.


Dans les années 1860-1870, les Français et les Allemands commencèrent à s'intéresser au Cameroun.

Le gouvernement allemand envoya GUSTAV NACHTIGAL, un ancien consul d'Allemagne à Tunis, négocier la mise sous tutelle allemande du Cameroun avec les chefs Douala.
Deux traités en ce sens furent signés avec des chefs de l'estuaire du Wouri appelée "Cameroon River" par les Britanniques.
Ce sont les traités germano-Douala.
Le premier de ces traités qui date du 12 juillet 1884 marque la naissance internationale du Cameroun moderne.
Le 14 juillet 1884, le drapeau allemand flottait à "Cameroon Towns" devenu "Kamerun" pour les allemands.


-> 1884 - 1922 :

Dès la fin de la conférence de Berlin en 1885, les Allemands se hâtent d'occuper tout le Cameroun.
Le Kamerun fut placé sous l'autorité d'un gouverneur représentant le Chancelier du Reich et divisé en unités administratives.

Pendant l’occupation allemande, le pays est mis en valeur. L’agriculture se développe, deux lignes de chemin de fer sont construites (Douala-Nkongsamba et Douala-Edéa), quatre centres de santé sont créés à Ayos, Doumé, Mbidalong et Kumbé, deux hôpitaux à Douala et Victoria, une première école est créée à Douala.
Douala fut tout d'abord choisie pour abriter la résidence des gouverneurs et le siège du gouvernorat (1885-1901), puis ce fut le tour de Buéa (1901-1909), au climat reputé plus frais.

L'éruption du Mont Cameroun qui eut lieu en 1908 mit prématurément fin au règne de Buéa.
Ce fut de nouveau le retour à Douala où les Allemands se heurtèrent cette fois-ci à la révolte des Douala qui refusaient de se laisser expulser de leurs terres.

Les Allemands eurent à mener une longue lutte non seulement contre les Douala mais aussi contre les Bakweri, les Bassa et les Lamidats de Tibati, de Ngaoundéré et de Rey Bouba.
Les rois LOCK PRISO de Bonaberi, ELAME de Joss et DOUALA MANGA BELL furent parmi ceux qui dirigèrent la résistance. Les Allemands réussirent à s’emparer du commerce mais les Douala refusèrent de payer les impôts et de travailler dans les nouvelles plantations.
Malgré l’opposition violente dirigée par MANGA BELL et soutenu par certains Européens, les Allemands ne renoncèrent pas :

- Exécution de DOUALA MANGA BELL.
- Exécution de MADOLLA et MARTIN PAUL SAMBA au Sud.


Lorsqu’ils essayèrent d’explorer l’intérieur en longeant les vallées de la Sanaga, les Allemands rencontrèrent la résistance des peuples Bassa et Bakoko qui leurs livrèrent des combats acharnés avant de se rendre.
Une bonne partie des révoltes contre les Allemands avait pour cause la façon cruelle dont certains travailleurs étaient traités dans les plantations.
Les Allemands firent également plusieurs tentatives d’exploration en direction du plateau occidental. C’est ainsi qu’ils profitèrent de la guerre entre les Bamoun et les Foulbé pour établir leur domination.
Seul le royaume Bamoun, dont le souverain NJOYA évita la guerre en négociant avec les Allemands. Le Sultan NJOYA ouvrit son pays aux innovations politiques et économiques qu'ils proposaient pour ne pas être demis de son pouvoir.

Dans le sud Forestier, l'armée allemande s'approcha de Kribi et de grand Batanga dont elle s'empara le 15 Octobre 1887.

En 1894, le Major HANS DOMINIK établit son poste militaire à Yaoundé puis des relations amicales furent créées avec plusieurs chefs comme FON GALEGA 1er de Bali, CHARLES ATANGANA qui fut plus tard nommé Oberhaüptling (chef supérieur) des Yaoundé et Bané.

Charles Atangana :




A l’Est ce furent les peuples Baya, les Maka, les Njem, les Kaka qui se battirent jusqu’en 1907 date où DOMINIK vint à bout de leur résistance.


En 1908, la capitale fut transférée a Douala.

En 1911, suite au Traité de Fès destiné à règler le litige sur le Maroc, les français cèdent certains de leurs territoires d'Afrique équatoriale à l'Allemagne, que ces derniers baptisent aussitôt : Neukamerun (« Nouveau Cameroun »).
Le territoire du Kamerun s'élargit d'une partie du Congo cédée par la France (le bec de Canard, car il donnait accès au Fleuve Congo).


Après la Première Guerre mondiale, pendant laquelle le Cameroun fut conquis par les forces franco-britanniques, la colonie allemande fut partagée en deux territoires confiés à la France (pour les quatre cinquièmes) et le reste au Royaume-Uni par des mandats de la Société des Nations (SDN) en 1922.

- L'Islam -

L’Islam a été introduit au Cameroun au 18ème siècle. Les Pasteurs Foulbé se sont installés dans la région appelée aujourd’hui Adamaoua. Leurs chefs prennent pour épouses les filles des chefs locaux. En 1806, un chef Peul nommé OTMAN DAN FODIO, fervent musulman, règne sur un grand empire. Il décide de lancer la guerre sainte et remet à un certain ADAMA l’étendard. Ce dernier conquiert tout le pays qu’on appelle aujourd’hui Adamaoua (pays d’Adama). Toutes les populations de cette zone (sauf celles des monts Mandara), se soumettent et fusionnent avec les Foulbé.

- L'administration avant la colonisation -

Dans la région qui allait devenir le Cameroun, les gens vivaient dans de petites sociétés bien organisées ; elles étaient sous l’autorité de chefs, de rois…
L’autorité de chef de village était surtout respectée en temps de guerre et à sa mort, les gens ne reconnaissaient pas forcément son fils comme chef à moins qu’il n’ait aussi les qualités requises de force et de bravoure à la guerre.



Le roi Akwa et ses épouses en 1881 :


Les peuples de côte et de la forêt :
Certains rois comme WILLIAM, AKWA ou BELL s’enrichirent grâce à leur main mise sur le commerce avec des Européens.
Chez les peuples de la forêt du littoral et du Centre-sud, comme les Bassa et les Beti, le pouvoir politique était organisé dans le cadre de ce qu’on a appelé la « démocratie villageoise », système contrôlé par les aînés des lignages et des familles et par des responsables de confréries.

Le roi Bell et ses épouses
en 1875 :

Les peuples du Nord :
Depuis des siècles, le Nord avait disposé de gouvernements bien organisés. La majorité vivant sous l’autorité de chefs et de leur substitut. Dans cette société, le chef commandait l’armée, passait des traités de commerce, de paix et si nécessaire décidait d’engager ou non son armée dans la guerre. Il avait plusieurs femmes et nombreux serviteurs. Chaque adulte de son territoire devait lui payer l’impôt.
Lorsque les peuls (musulmans) arrivèrent au 18ème siècle, ils transformèrent les chefferies en Lamidat (sorte de principauté musulmane dirigée par un chef spirituel et temporel absolu).
Le Lamido était en même temps chef religieux et politique. Ils faisaient la guerre à leurs voisins pour les convertir à l’Islam. Ils avaient de nombreuses épouses et beaucoup d’enfants qui recevaient à l’âge adulte un terrain non loin du palais pour construire leur demeure.

Le sultan Njoya :

Les Habitants des GrassFields de l’Ouest :
Ce sont les Bamilékés, les Bamenda, les Bamoun. Ils étaient organisés en puissantes chefferies sous l’autorité des Fon, de Fonte, de Fais. Le Fon était le titre le plus élevé. Celui ci était chargé de la protection de la terre et de son peuple. Ils avait plusieurs épouses qui avaient chacune sa maison dans le palais. Ensuite venait les Fonte qui avaient sous leur autorité de vastes groupes de gens mais devaient régulièrement rendre hommage au Fon. Enfin, venaient les conseillers et les Ntchinda.
Les Bamoun avaient des croyances traditionnelles puis devinrent chrétiens avec l’arrivée des Européens, mais sous l’influence du puissant Lamido de Banyo, une bonne partie se converti à l’Islam. Le plus connu des souverains Bamoun est le roi NJOYA qui inventa un moulin à broyer le maïs et mis au point un système d’écriture.


L'écriture Njoya :